J'étais curieuse, allez, je l'avoue : sceptique, même. Et puis j'ai vu, entendu.
Des ados qui maniaient la plume avec brio, avaient le sens de l'analyse et savaient transmettre leur enthousiasme.
Qui m'ont donné envie de lire des romans que je ne connaissais pas.
Qui commentaient une dizaine de livres sélectionnés, parmi lesquels, la saison 1 des blue Cerises, ce, en présence-même de l'un des auteurs concernés dans le jury de demi-finale (à leur âge, je crois que j'aurais fondu de peur, à leur place...)
L'idée d'un "prix de la critique des collégiens et des apprentis" a germé il y a cinq ans dans l'esprit de Pierric Maelstaf, à Boulogne-sur-Mer, ville native de Charles-Augustin Sainte-Beuve. Pierric est parti d'un constat simple : pourquoi laisser aux seuls adultes la critique des romans destinés à la jeunesse ? Pourquoi ne pas offrir l'occasion aux principaux intéressés d'exprimer haut et fort leur avis ?
Mais il ne s'agit pas là de se contenter de voter pour un livre, non. Tst, tst, trop facile. Les prix de collégiens en littérature jeunesse sont légions. Ici l'enjeu est différent, plus ambitieux. Il s'agit pour les élèves de lire, écrire et exposer en public lors de joutes oratoires les raisons pour lesquelles ils ont aimé ce roman-là, oui, celui-là, parmi une dizaine d'ouvrages sélectionnés (bon d'accord, ils ne les lisent pas tous). Apprendre à défendre son point de vue, un roman, (et parfois même, soyons fous, reconnaître un style ou un procédé littéraire...), si possible sans l'aide de sa feuille. Se frotter ainsi à un double saut périlleux : lire, certes, mais avec suffisamment d'acuité pour en rédiger une critique et être capable de convaincre un auditoire.
Respect de la langue, fidélité au roman, originalité, argumentation, conviction, prestation, voici la liste des critères à réunir pour espérer passer la rampe. Concrètement : deux minutes pour persuader un jury. Pas évident, à quatorze ans. Pourtant le défi émoustille, en c'est en cela que le dispositif-même de mise en scène lors de la joute est un judicieux stratagème et une source de motivation pour franchir l'écueil de la lecture/écriture... La dynamique du concept tient entre autres dans ce double mouvement écriture/oralité, et l'aboutissement "spectaculaire" ; il fallait y penser.
Respect de la langue, fidélité au roman, originalité, argumentation, conviction, prestation, voici la liste des critères à réunir pour espérer passer la rampe. Concrètement : deux minutes pour persuader un jury. Pas évident, à quatorze ans. Pourtant le défi émoustille, en c'est en cela que le dispositif-même de mise en scène lors de la joute est un judicieux stratagème et une source de motivation pour franchir l'écueil de la lecture/écriture... La dynamique du concept tient entre autres dans ce double mouvement écriture/oralité, et l'aboutissement "spectaculaire" ; il fallait y penser.
Pour l'auteur que je suis, l'expérience fut instructive. Qu'emportent vraiment les ados lecteurs de nos romans ? L'hétérogénéité des critiques, tant sur le fond que sur la forme, autour d'un même livre est parfois étonnante. Jusqu'à se demander s'il s'agit bien là du même ouvrage... Les éternels poncifs livre d'action/ livre intimiste, livre "pour les filles"/ "pour les garçons", volent souvent en éclats, bonne nouvelle. Une constante néanmoins à cet âge de construction et chahut identitaires (et condition quasi sine qua non de l'adhésion au récit) : l'identification au héros ou à l'histoire. Well, nulle surprise de ce côté-là. En revanche quelques remarques inattendues m'ont confortée dans l'idée que le happy end était plus une obsession adulte à l'égard du jeune lectorat qu'une réelle préoccupation adolescente.
Mais avant tout, ce fut pour moi une chouette aventure humaine. J'y ai vu de grands timides surmonter leur angoisse, poser leur voix et lâcher leur feuille pour un brin d'improvisation. Des avachis se redresser. Des réfractaires à la lecture confier qu'ils étaient allés, pour une fois, jusqu'au bout de leur bouquin avec plaisir. Des textes bancals à l'écrit trouver un juste ton par la seule prestation orale. Et puis, des élèves de quatrième/troisième qui parlaient librement d'eux-mêmes et de ce qui les touche, à cet âge entre deux eaux où il faut d'ordinaire un ouvre-boîte ou un pied-de-biche pour les voir s'exprimer en public...
Le Prix Sainte-Beuve des Collégiens et des Apprentis est un projet à l'initiative de l'Association Ça et Là, en collaboration avec Opalivres (une équipe de choc bibliophage), la médiathèque départementale et le Rectorat de Lille. Depuis sa création, il ne cesse d'accueillir de nouveaux participants volontaires.
Cette année, la finale qui aura lieu au théâtre Monsigny de Boulogne-sur-Mer verra s'affronter 30 orateurs (issus de 30 établissements pas-de-calaisiens de tous crins) face à 600 jeunes spectateurs venus soutenir leurs lauréats.
Qu'on ne me dise plus qu'il est utopique de mobiliser les ados autour de la lecture et que les livres ne font plus vibrer les jeunes. Allez donc faire un tour dans le Nord !
Pour plus de renseignements, voir Boulevard Sainte-Beuve,
4ème Rencontres de la Critique et de la Culture, du 17 au 23 mars 2011.
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